COMMANDOS

SOUVENIRS DE LESLIE WRIGHT
Commando britannique (1941-1944) 

Pendant ma période d'instruction au début de la 2ème guerre mondiale, je passais beaucoup de temps à jouer au lancer du couteau, exercice où je me croyais très fort. J'aimais taquiner mes camarades à ce sujet et lorsque nous pratiquions le combat corps à corps, mon sergent instructeur ne parvenait jamais à me désarmer.

Vers la fin janvier ou le début de février 1941, je fus appelé sous la tente de l'officier commandant de notre unité . J'étais un peu inquiet parce que deux nuits auparavant, avec un copain, nous avions égorgé un mouton que nous avionsramené au camp.

Le commandant qui était en compagnie de deux autres officiers, un major et un sous-lieutenant, me demanda si j'avais un couteau. Je le sortis de ma poche pour le lui montrer. C'est alors que le sous-lieutenant, un nommé PINKNEY, ne proposa d'essayer de le piquer avec, pour voir si je pourrais l'empêcher de me désarmer. Je sortis mon couteau du fourreau que j'avais fabriqué moi-même et j attaquai, réussissant à le piquer à chaque essai. Il me félicita. Le major, nommé PROUT ouvrit une boite dont il sortit un magnifique poignard qu'il me lança en me criant de l'attraper, ce que je fis. J 'examinais le poignard, le rendis et on me libéra. Je quittai la tente en me demandant ce que tout cela pouvait bien signifier

Plus tard dans la journée, je fus à nouveau convoqué chez le commandant qui m'informa que les deux officiers qui lui avaient rendu visite appartenaient à un service spécial gui recherchait des volontaires pour des missions périlleuses. Il me demanda si j'étais intéressé et je répondis par l'affirmative.

Un jour ou deux plus tard je fus à nouveau appelé chez le Commandant, le major EADES, et invité à préparer mon paquetage. On me délivra un laissez-passer et l'ordre de me présenter à une adresse à WHITEHALL à Londres. C'était le bureau du quartier général de Lord KEYES où l'on me posa un certain nombre de questions. Je bénéficiais alors d'une permission de 48 heures à l'issue de laquelle je devais téléphoner à un numéro qui m'était indiqué. Lors de cette communication, je fus prié de me présenter le matin suivant à une adresse dans l'ouest de Londres, à CURZON Street, je crois, que je pris un premier contact avec mes futurs camarades. Nous étions une dizaine. Après un déjeuner au club des forces canadiennes, près de TRAFALGAR Square, deux Jeeps nous conduisirent à un grand manoir dans le DORSET, près de BERE REGIS, à environ douze miles de POOLE. L' endroit s'appelait ANDERSON Manor. Là,on nous fit subir un entraînement très dur : des marches chaque jour plus longues, du tir au 38 et du combat corps à corps. Ensuite, on nous emmena faire de l'escalade de rochers en Cornouaille du Nord. De retour au manoir, je fus présenté à un civil nommé CHOUEY un philippin, qui devait être mon instructeur pour le combat au poignard. CHOUEY était très fort à cet exercice.

Au manoir, nous étions bien traités et bien nourris. On apprenait à conduire les motos, les voitures et les camions. pour les permissions, nous avions droit à une moto afin d'être en mesure de rentrer plus rapidement en cas de nécessité.

A la fin de février, avec un copain Geo. DREW nous avons rejoint le commando n° 3 en Ecosse. A cette époque, mon seul insigne d'uniforme consistait en un poignard jaune sur triangle rouge à l'épaule. On nous avait indiqué par erreur de le coudre la pointe en bas, ce qui nous valut les sarcasmes des autres jusqu'à ce que nous le replacions dans la bonne position, la pointe vers le haut. Les autres garçons portaient des bérets verts. Georges et moi, nous avions des calots.

Mars 1941 - 1ère opération : la côte norvégienne

Pour mon anniversaire, le 2 mars 1941, nous embarquâmes sur un vieux ferry à vapeur, le QUEEN EMMA. Nous étions 200 à bord et d'autres navire s'étaient avec nous. Notre destination était la côte norvégienne. Nous nous ' trouvés dans un véritable enfer. Tout brûlait autour de nous, le carburant, les bateaux, les immeubles. On était environné de fumée et de nombreux poissons morts flottaient sur l'eau. La chaleur était si intense que la neige fondait à 100 mètres autour d e nous. Nous avons ramené une centaine de norvégiens en Ecosse avant de retourner à ANDERSON Manor, Georges et moi. Sur le chemin du retour, nous échangions tous les deux nos impressions sur l'opération en nous demandant. Ce que nous pourrions bien dire au Major PROUT pour lui rendre compte car ni l'un ni l'autre n'avions eu l'occasion de faire usage de nos armes et nous n'y avions gagné aucune expérience.

Mars /Juillet 1941 A nouveau l'entraînement

Quelques semaines s'écoulèrent, d'autres soldats et officiers venaient nous rejoindre au manoir. Nous pensions alors que le plus dur de l'entraînement était terminé, alors qu'en fait, il avait à peine commencé : Mon Dieu que nous en avons vu de dures! : travail à bord, canotage, navigation a voile, travail d'avirons dans le froid et l'humidité . Cela se passait essentiellement a. Et puis, il fallait débarquer dans des criques, escalader des falaises, franchir des collines, descendre dans des puits d'argile blanche, tirer sur des cibles, y envoyer des grenades, utiliser des tablettes de fulmicoton pour faire sauter des rochers, des piles de bois, des arbres. Pendant tout ce temps, des salves explosaient au-dessus de nos têtes et on nous envoyait des grenades soufflantes. Nous devions grimper à quatre pattes pour nous extraire des trous, nous rabattre vers la crique, quelquefois à plus de 8 kilomètres, pagayer pour revenir et, sans arrêt recommencer...

Le commandant de notre unité était le major MARCH PHILLIPPS assisté d'autres officiers parmi lesquels le capitaine Graham HAYES, les lieutenants Colin OGDEN-SMITH, John PINKNEY, G.APPLEYARD, le major PROUT et Andy LASSEN.

L'entraînement et les opérations s'effectuaient avec un bateau MTB 344 qui était à notre disposition et nous devions bientôt acquérir un bateau de pêche qui après quelques transformations nous permettrait un camouflage efficace.

Juillet 1942 Opération au cap Gris Nez

Vers la mi Juillet 1941 John PINKNEY, ayant choisi dix d'entre nous pour une opération, nous fit embarquer sur un L.C.A. à Douvres et nous mit l'ancre pendant heure pour nous expliquer que nous allions traverser la Manche pour aborder à un endroit appelé AMBLETEUSE près du cap Gris-Nez avec la mission de ramener des prisonniers .

La traversée s'est effectuée sans encombre et nous nous sommes ancrés à environ un demi mile de la côte, vers minuit, pour aller aborder avec deux canots. Nous avons pénétré d'environ un kilomètre dans les terres, obligés de découper des fils de fer barbelés pour passer, mais sans voir un seul allemand ' il y avait beaucoup de blockhaus, mais vides. Nous avons rencontré deux français qui sont revenus avec nous en Angleterre. Au moment où nous avons rejoint notre LC.A., les allemands ont ouvert le feu et nous avons levé l'ancre aussitôt. Nous étions à trois-quarts de mile lorsqu'un obus est tombé sur tribord. Un membre de l'équipage a reçu un éclat dans l'épaule. Il est mort avant d'arriver à DOUVRES.

Août 194l Opérations à MERLIMONT et ONIVAL

Avec le MTB 344 nous avons débarqué sur la plage de MERLIMONT dans le Pas-de-Calais, également pour ramener des prisonniers. Mais là encore, nous Sommes rentrés bredouilles.

Quatre jours plus tard, nous visitions ONIVAL avec cette fois plus de chances : nous en avons ramassé cinq dont un personnage important : Oberst WACH MARCH qui passait dans une voiture d'Etat-major que nous avons stoppée avec un projectile de pistolet à fusées dans le radiateur. Ils ont été ramenés à POOLE et remis aux services de renseignements. WACH MARCH n'avait plus besoin de Lüger, aussi je le lui ai emprunté pour le reste de la guerre.

1941 Le " Maid Honor"

En 1941, Lord KEYES Chef des opérations combinées, créa le S.O.E. (Special Operations Executive) et l'idée fut retenue de former un petit groupe chargé d'effectuer des opérations de harcèlement contre l'ennemi à travers la Manche. Nous avons encore subi un entraînement très dur, en grognant, mais en exécutant scrupuleusement les exercices. Notre groupe fut appelé le S.S.R.F. ("Small Scale Raiding Force", c'est a dire "petite force d'intervention").

Notre chef, le major MARCH PHILLIPPS voulait que nous utilisions un navire du type bateau de pêche pour pouvoir nous rendre tranquillement de l'autre côté de la Manche, tomber sur l'ennemi et disparaître dans la nuit. Ce fut un chalutier, le "MAID HONOR" qui fut choisi pour cette entreprise. Le major PROUT et Andy LASSEN emmenèrent quatre d'entre nous pour aller en prendre possession. Nous l'avons ramené de BRIXHAM à POOLE Harbour ou il devait subir quelques transformations : d'abord la livarde a été remplacée par une autre en acier ayant la forme d'un wishbone s'étendant le long des plats-bords et qui pouvait être élevé ou abaissé. En fait, c'était un lanceur de roquettes, mais nous n'avons jamais saisi la manière de s'en servir et nous n'arrivions pas à pointer. C'était cependant très amusant: de jouer avec. Au milieu du bateau, de bâbord à tribord, le pont fut abaissé et, au bas des marches, fut érigé une plate-forme à environ cinq pieds au-dessous du pont pour servir d'emplacement à deux mitrailleuses lourdes jumelées pouvant tirer par des dalots. Dans la mâture, furent installées des tourelles type nids de corbeaux" une sur chaque mât, afin d'y loger des fusils-mitrailleurs. Sur l'arrière, au-dessus de la traverse et entre l'habitacle et la roue du gouvernail, on installa un canon de deux pouces. Le pont, ainsi que la partie située entre le plat-bord et le plancher du pont étaient renforcés de plaques d'acier.

Le moteur au kérosène était très lent et bruyant avec un bruit de pom-pom" mais l'administration refusait de nous le remplacer. Cependant, le S.O.E. décida que, si nous pouvions en obtenir un par nous-mêmes, nous serions autorisés à l'installer. Par un coup de chance, nous avons alors eu l'occasion de croiser un patrouilleur allemand en provenance de CHERBOURG et qui se dirigeait tranquillement vers nous. Nous l'avons attendu, il s'est rangé contre notre bord pour nous vérifier et..... Peu de temps après nous mettions le cap sur WAREHAM avec notre prise, un patrouilleur allemand de 45 pieds équipé d'un moteur MERCEDES-BENZ . Il a fallu trois semaines pour adapter ce moteur sur le "MAID HONOR" mais après réglage, il pouvait rivaliser avec notre MTB 344 et le MAID pouvait atteindre 22 noeuds.

Fin 1941 De la Manche à la côte d'Afrique

Le "MAID HONOR" a d'abord accompli plusieurs raids en Manche. Puis, une opération montée par Lord Louis MOUNTBATTEN devait durer trois mois pour nous conduire à FUNCHAL (Ile de Madère), FREETOWN (Sierra Leone) où nous avons passé notre Noël 1941 et enfin LAGOS. Notre mission était d'inspecter les rivières et les criques de la côte occidentale de l'Afrique pour repérer les vaisseaux ennemis, les sources d'approvisionnement des bateaux et les repaires de sous-marins.

Ensuite, nous sommes arrivés à FERNANDO PO, une île appartenant à l'Espagne, où notre cible était un grand navire marchand italien, "la Duchesse d'AOSTE' qui était utilise pour ravitailler les sous-marins ennemis. Comme nous étions dans un port neutre, nous arborions le pavillon suédois. La "Duchesse d'AOSTE'', était à l'ancre, elle fut prise à l'abordage. L'équipage de couleur se "rallia" et les officiers du navire furent neutralisés. Apres avoir pris l'entier contrôle de ce bateau il fut conduit en mer à un rendez-vous avec un bâtiment de la marine britannique qui le prit en charge avec son équipage. Apres le "raid", nous revînmes à LAGOS où malheureusement notre équipe fut dispersée en vue d'autres missions.

Quant à notre prise, après des aménagements aux docks de GREENOCK, elle reprit du service sous pavillon britannique et rebaptisée "EMPIRE YUKON". Elle devait accomplir seize croisières, notamment: des transports de troupes. Elle fut rendue aux italiens en 1947 et détruite en 1952.

1942 - Retour en Manche

Avec le MTB 344, nous avons effectué plusieurs croisières au large de la côte bretonne pour récupérer des évadés. Une fois, j'ai été débarqué sur une plage, près de AGOT, avec la mission de prendre en charge une personnalité importante. A un moment, j'ai entendu ce que je croyais être le signal convenu pour mon rendez-vous et je suis monté sur les dunes pour me trouver nez à nez avec deux soldats allemands. J 'étais en civil, en salopette et pieds nus. L'ordre étant de ne pas tirer, j'ai eu juste le temps de cacher mon 38 dans le sable et je me suis laissé capturer. J'ai été conduit à une cabane de pêcheurs où se trouvaient un officier allemand et un sergent qui ont été stupéfaits de mon arrivée Car je pense que j'étais le premier anglais qu'ils rencontraient. J'ai essayé de leur expliquer que j'étais un marin civil dont le bateau avait été coulé et je faisais semblant d'être terrifié je demandai Une cigarette et une boisson chaude. L'officier était un gentleman. Son rôle était de m'arrêter, mais il me fit endosser une veste, asseoir sur un banc et envoya le sergent chercher à boire pour moi et pour lui tabouret et le tint en respect avec son propre Mauser. Lorsque le sergent revint avec une boîte de fruits, une bouteille d'eau de vie et trois gobelets de métal, je le mis en joue, lui fis ôter le fusil qu'il portait à l'épaule, le décharger et le poser dans un angle de la cabane. J'ordonnais ensuite à l'officier de ligoter le sergent et de lui enfoncer un bâillon dans la bouche. Puis, en dissimulant le Mauser sous la boîte de fruits, j'ordonnais à l'officier de me conduire à l'extérieur vers la plage.

Nous passâmes devant les deux soldats qui m'avaient arrêté, par une barrière de fil de fer, et nous nous dirigeâmes vers les dunes de sable qui se trouvaient à environ 300 mètres. Sur la plage, je trouvai mon V.I.P., un français qui se prénommait Jean et parlait très bien l'allemand et l'anglais. Je fis dégager par l'officier le varech avec lequel j'avais camouflé mon canot, j'y fis grimper Jean et je montai également en ordonnant à l'allemand de nous pousser. Comme mon canot ne pouvait contenir que deux passagers, je ne pouvais emmener mon prisonnier et ma première intention fut de l'abattre. Mais, comme après tout, on ne n'avait pas ordonné de tirer sur l'ennemi, je me contentais de le frapper avec la crosse de mon pistolet. Je pensai l'avoir assommé, mais il se mit à nager près de nous pendant une centaine de mètres, discutant avec Jean pour obtenir que nous le prenions avec nous. Nous dûmes le convaincre à coups de rames sue ce n'était pas possible et finalement, il cessa de nous suivre. A environ un kilomètre de la côte, nous avons rejoint notre MTB 344 qui nous a ramené à Portland .Sur le chemin du retour, je m'aperçus que le Mauser de l'officier allemand n'était même pas chargé!...

Je bénéficiais ensuite d'une permission de dix jours.

Août 1942 Opération de Dieppe

En août 1942, six d'entre nous quittèrent le manoir d'ANDERSON pour NEWHAVEN. Je n'avais jamais vu autant de péniches de et de commandos. Un matin à quatre heures, nous étions 28 embarqués sur le MTB 344. En cours de traversée, nous nous sommes écartés du gros des troupes pour débarquer isolément entre les deux flancs des troupes canadiennes dont une partie était à notre gauche et l'autre partie à notre droite. Alors que notre 344 se retirait vers le large, nous avons progressé vers l'intérieur en escaladant une falaise calcaire, pendant que de chaque côté de nous un enfer de feu s'abattait sur chacun des flancs des troupes débarquées. Nous nous trouvions entre le casino et POURVILLE. Au cours de notre incursion, nous avons neutralisé deux nids de mitrailleuses et atteint une rivière à un kilomètre de la côte. A 400 mètres, il y avait un petit pont où se déroulait un combat. Les allemands étaient sur la rive opposée et nous avons franchi la rivière à gué pour les attaquer à revers. Mais nous avons dû bientôt abandonner ce plan pour ne pas perdre de temps et atteindre en priorité nos objectifs qui se trouvaient en bas de la ville. Arrivés devant des voies ferrées sur lesquelles stationnaient des trains de marchandises, nous avons incendié les wagons charges d'une paille qui aurait pu servir d'emballage et nous nous sommes retires rapidement pour le cas où il y avait eu des munitions.

Sur notre retour vers le port, nous avons descendu quelques allemands et repéré de grands hangars de bois recouverts de tôles où se trouvaient des bateaux en réparation. Nous les avons également incendies, ce qui a provoqué un bruit terrible. Plus loin, derrière les hangars, on apercevait quelques douzaines de soldats britanniques capturés, les mains sur la tête, qui étaient évacués, encadrés par leurs ravisseurs. De notre couvert, nous avons pu abattre quelques hommes de l'escorte, mais il y avait peu d'autre chose que nous puissions entreprendre. En courant, nous avons contourné les hangars qui étaient maintenant transformés en brasiers et de fumée. L'un de nos sergents nous a dirigé vers un bateau situé à quelques 40 mètres et dont le moteur fonctionnait encore. Il était attaché par une chaîne cadenassée à une poutre en acier. Quelques coups de feu ont fait sauter cette attache et nous nous sommes entassés à bord traversant le port a toute vitesse nous avons perdu la moitié de la cabine arrière emportée par Un projectile, mais nous étions partis, louvoyant au milieu de bateaux détruits, coulés ou en flammes pendant qu'on nous tirait encore dessus. Nous avions perdu sept hommes.

Nous avons repéré notre MTB 344 a quatre ou cinq kilomètres au large et nous l'avons rejoint. A peine remontés à bord, nous avons été interpellés par notre commandant : "Prêts pour une nouvelle incursion ?". Nous avons donc refait provision de munitions, pris deux autres BRENS et à nouveau nous sommes repartis vers la côte. Nous avons débarqué à peu près au même endroit que la première fois, percutant une péniche de débarquement à 30 mètres du rivage. Nous n'étions plus que douze ou quinze à sauter à terre, les blessés étant restés à bord. Cette fois, nous étions un peu plus près du Casino, mais la plage était méconnaissable : elle était jonchée de morts et de blessés. Un ou deux d'entre nous furent tués avant d'aborder. Après avoir à nouveau escaladé la falaise, nous avons pris et détruit un nid de mitrailleuses ainsi qu'une autre fosse abritant trois mitrailleuses en profitant de ce que les allemands étaient occupés à concentrer leur tir sur le gros des forces canadiennes. Ils reçurent en même temps quatre ou cinq grenades 36. Le caporal WALKER fut touché au cou et à la Poitrine par nos propres éclats.

Nous nous sommes alors dirigés vers le Casino où un violent accrochage nous coûta deux hommes. Puis nous nous sommes repliés sur un promontoire d'où nous avons pu regagner la plage. Il y avait là péniche de débarquement pleine de blessés. J'en retirais de l'eau un autre qui avait perdu un pied (je devais le rencontrer quarante ans plus tard). Nous partîmes avec eux et nous fûmes chargés dans Une frégate qui nous ramena à NEW HEAVEN.

Nous revenions à 11 sur 28 !

Octobre 1942 Opération Ile de Sercq

Le 3 octobre 1942, nous étions à nouveau sur le MTB.344 au large de l'île de Sercq. Nous y avons débarqué à dix au moyen d'un petit "Doris" n y avait le capitaine Geoffrey APPLEYARD, PINKNEY, Colin OGDEN-SMITH, Anders LASSEN, le capitaine DUDGEON, Bruce OGDEN-SMITH (le frère de Colin), Skinner FLINT, Dennis TOTTENHAM), le sergent WINTERS et moi. Dennis était l'homme chargé de l'amarre et restait à garder le "Doris" alors que le 344 était à l'ancre à 400 mètres au large de la baie. Le débarquement avait eu lieu par une grotte au-dessous de HOGS BACK. Nous avons escaladé la façade du rocher, haute d'environ 120 pieds, pour arriver au fond d'un verger . Bruce, regardant le dessous des arbres à la lueur du clair de lune attrapa une paire de pommes Iorsqu' il reçut un grand coup du plat d'une baïonnette sur les jambes. Je crois que c'était Colin qui lui disait que nous étions en expédition de commando et non de chapardage de pommes. Tout le monde se mit à rire, mais Geoffrey ordonna le silence.

Nous avons laissé Skinner au sommet de la falaise où nous avions repéré une sentinelle. Elle fut abattue sans bruit. Nous nous sommes dirigés vers une maison, toujours au sommet de la falaise et dont le nom était :'La Jaspellerie" .Elle donnait l'impression de pouvoir servir de cantonnement à des troupes.

Nous avons d'abord inspecté les extérieurs, puis essayé de trouver une voie d'accès par les portes-fenêtres. Comme elles étaient verrouillées, nous sommes entrés en cassant un carreau. A la lueur de nos torches, nous n'avons rien découvert au rez de chaussée. Geoffrey a grimpé l'escalier et je l'ai suivi. Comme il s'engageait sur le palier, une porte s'ouvrit et une sorte de fantôme fit son apparition, une lampe à la main, une écharpe sur la tête et portant une longue chemise de nuit toute blanche. Je ne sais pas qui, de cette femme ou de nous, a été le plus effrayé. Son nom était Françoise PITTARD. Après lui avoir dit qui nous étions et ce que nous cherchions, elle nous indiqua qu'elle avait d'abord cru que la maison était en feu en voyant nos visages passés au noir. Puis elle nous conduisit à la cuisine où elle nous donna tous les renseignements sur les troupes qui se trouvaient sur l'île et les endroits où nous pourrions les trouver. Il y en avait une vingtaine à l'hôtel DIXCART, situé a 250 mètres. Elle nous offrit du pain pour emporter en Angleterre ainsi qu' une carte de l'île. Geoffrey lui proposa de l'emmener avec nous, mais elle refusa.

A l' hôtel DIXCART, nous sommes entrés par l'annexe, un baraquement comportant deux pièces a gauche et trois à droite. Faisant irruption dans les cinq en même temps, nous y avons trouvé cinq teutons endormis qui furent dirigés à l'extérieur. Il fut décidé de leur occuper les mains en fendant leurs pantalons pour les obliger à les tenir et les empêcher de courir. Il était 2 h 30 du matin et il n'y avait pas de garde. Comme il n'y avait pas d'officier parmi les prisonnier si il en fallait d'autres et nous devions aller à l'hôtel principal. Mais l'un des prisonniers se mit a crier. Il fut immédiatement abattu avec un 38, mais il s'ensuivit un désordre indescriptible. A la détonation, des lumières s'allumèrent dans l'hôtel et il fut décidé de repartir en emmenant les quatre survivants.

Les choses ne se passèrent pas aussi bien qu'à l'arrivée. Une fusillade commença et nous dévions traîner de force l'un des prisonniers sur le chemin du retour vers la "Jaspellerie". Comme les allemands nous tiraient dessus, nous perdîmes trois autres prisonniers pendant notre retraite. Heureusement, j'ai eu la possibilité de trouver un emplacement d'où je pouvais contenir nos poursuivants avec une BREN.

Pendant notre petite escapade, le capitaine DUDGEON, avec le plus gros de nos forces, s'était rendu à un endroit où il devait récupérer un agent du S.O.E. qui avait rejoint l'Ile dé Sercq en provenance de la France occupée. Il avait pu se joindre à des ouvriers polonais que les allemands contraignaient à travailler pour eux sur l'île. Avec DUDGEON, il était déjà sur le canot à notre arrivée. Rejoignant le MTB 344, notre retour était salué par des salves d'armes légères. Nous n'avions plus qu'un seul prisonnier qui était terrifié. L'agent du S.O.E. était un colonel des forces polonaises libres qui devait rejoindre l'Angleterre. Il était tombé aux mains de la Gestapo pendant quelques jours seulement mais cela avait suffi pour qu'if soit pratiquement infirme. Il avait eu les testicules écrasés, la cheville brisée et deux doigts de pieds arrachés. Son prénom était Roman et son nom ZATWADZKI. Nous sommes restés amis et nous avons perdu contact en 1947. Dés 1943, il était reparti en mission sur le continent. C'était un homme remarquable.

Au total, le raid avait été un succès car nous n'avions que des blessés légers.

Fin 1942 - Début 1943 A nouveau l'entraînement !

Je fus dirigé vers CARDINGTON, dans le comté de BEDFORD, dans un centre d'entraînement parachutiste de la Royal Air Force. Après des exercices au crochet, ce furent des sauts à partir d'un ballon captif. Puis ce fut un nouveau centre parachutiste à RINGWAY près de MANCHESTER où l'entraînement se terminait par la chute libre. Je devais ensuite être dirigé successivement a WREXHAM puis à ACHNACARRY pour l'entraînement de commando avec deux autres copains, anciens du SSRF encore des marches, de l'escalade, des exercices d'endurance pour terminer par des tests d'initiative. Nous devions finalement rejoindre WREXHAM en dix jours avec tout notre équipement, mais par nos propres moyens en nous débrouillant avec seulement deux shillings en poche. En arrivant, j'y gagnai mon béret vert et mes insignes de commando, je fus ensuite envoyé en permission, toujours dans les mêmes conditions : sans laissez-passer, sans argent, débrouillez vous ! Je devais téléphoner à WHITEHALL à Londres sept jours après pour rendre compte et prendre les ordres. J'étais maintenant: Un commando complètement entraîné, doté de mon béret, de mes insignes et de mes ailes de parachutiste avec, ce qui n'était pas à dédaigner, une solde supplémentaire .

Les gens me regardaient à deux fois et j'étais fier d'appartenir à cette formation, mais j'étais toujours sans affectation. Les anciens du Small Scale Raiding Force avaient été dispersés, les uns vers le S.A.S., les autres vers le S.B.S. Je pensai qu'on nous laisserait choisir, mais ce ne fut pas le cas.

Convoqué au quartier général, je rencontrai Lord Louis avec lequel j'eus une longue conversation en compagnie de deux autres camarades. Nous avons passé la nuit au quartier général et le lendemain matin, on nous conduisit par les souterrains à STOREY GATE, dans la salle des cartes d'opérations, où nous fûmes présentés à Winston CHURCHILL. ll nous dit qu'il appréciait beaucoup notre service.

 

Le retour par les souterrains nous parut interminable par des couloirs sur lesquels s'ouvraient des pièces à droite et, a gauche et qui étaient parcourus par des milliers de gens, la plupart en uniforme Notre escale suivante fut 1' amirauté où nous sommes allés à SPRING GARDENS où nous avons rencontré des commandos de toutes nationalités, 30 ou 35 en tout, et où nous avons séjourné.

Pour la plupart nous avions des motos pour circuler et parfois j'emmenais plusieurs copains à la maison. Tout se passait toujours bien malgré quelques disputes ou bagarres mais qui se terminaient par d'amicales tapes dans le dos. Cela dura quelques semaines, mais comme pour toutes les bonnes choses, il y eut une fin.

Notre nouveau séjour, qualifié d'entraînement de perfectionnement, eut lieu au fond de NEW FOREST dans un endroit appelé MINSTEAD, une autre grande et vieille maison ressemblant à un château. Le programme comportait notamment de l'escalade de murs et de l'entraînement a marcher sans bruit, ce qui est plus dur qu'il ne paraît, spécialement pour les mollets. Et puis, il y avait encore les "tests d'initiative" : aller à MANCHESTER recueillir la signature du rédacteur en chef du "Guardian" ainsi que les instructions pour le test suivant qui se situait à RHIL au nord du pays de Galles où il fallait recueillir la signature du capitaine du port. A chaque fois, un nouveau test suivait.

A Picton, près de HAVERFORDWEST, au Sud du Pays de Galles, j'ai dû m'introduire clandestinement dans un château gardé par des Marines et obtenir la signature de l'officier commandant sans s'être fait repérer, puis redescendre à Boscombe, m' introduire sans être vu dans un arsenal de munitions bien gardé , peindre à l'intérieur en blanc et à mon unité

Le plus préoccupant , c'est qu'il n'y avait pas de peinture blanche sur place et qu'il fallait des récipients et de la chaux pour faire nous mêmes notre badigeon avec l'eau du ruisseau voisin et utiliser de l'herbe en guise de pinceau. Ce fut un travail éprouvant. Nous l'avons terminé déshabillés, projetant le badigeon à pleins seaux. Ensuite, nous nous sommes lavés au ruisseau et nous y avons nettoyé les récipients avant de les reporter où nous les avions pris. Tel était le genre d'acrobaties qu'on nous faisait accomplir, sans argent, sans nourriture, sans laissez passer, avec le seul mot d'ordre : Débrouillez-vous r Nous étions un groupe de trois et nous mangions bien. Des poulets disparaissaient et beaucoup de voitures, camionnettes ou motos étaient "empruntées", mais nous nous "débrouillions". Chaque jour nous téléphonions à WHITEHALL et on nous répondait de continuer.

Quand ces distractions furent terminées, quelques uns d'entre nous furent envoyés à BOVINGTON où ils s'entraînèrent à conduire des chenillettes automitrailleuses et un modèle plus grand pour le transport des troupes. Cela nous a valu des moments mémorables comme l'arrachage des câbles du tramway.

Mai 1943 Retour en Manche

De retour à WHITEHALL, nous fûmes, cette fois, dirigés vers GUILDFORD et affectés à un groupe multinational de commandos de tous genres, le numéro 1O. Notre commandant était un officier de marine français, Philippe KIEFFER ,un as!

Nous avons à nouveau subi un entraînement et quitté LYMINGTON pour une petite mission a ELETOT, près du HAVRE. Sur place nous avons rencontré des français, pratiquant la pêche côtière, qui nous ont cachés sous des filets dans leur bateau pour nous faire entrer dans le port. Ils nous ont remis des photos, des cartes et des plans et nous leur avons donné des cigarettes, du chocolat et des armes. Nous avions des canots pneumatiques (dégonflés) avec nous. Lorsque les allemands sont venus contrôler, les français leur ont donné du poisson et ils ont été tranquilles.

Le matin suivant l'accomplissement de notre mission, les français nous donnèrent à boire et du pain et nous sortirent du port jusqu'à environ 3 miles en mer. Là, nos pneumatiques qui avaient été regonflés pendant le trajet, furent passés par dessus bord avec notre récolte de photos, cartes et documents enveloppés dans des emballages de toile huilée et nous fûmes récupérés par le MTB 344 après un délai Sui nous parut interminable. En dépit de la perte de quelques commandos français, nous avons rejoint NEWHAVEN presque aussi nombreux qu'au départ de LYMINGTON. Cela avait duré quatre nuits et pas Un coup de feu n'avait été tiré. D'autres MTB avaient été utilisés au même moment et cela ressemblait à un service ferry.

Les pêcheurs français étaient très courageux et nous avions toujours de l'eau de vie à rapporter. Ce fut, pour un moment, la fin de ma collaboration avec le commando n° 10.

Août 1943 - Une mission pour De Gaulle

Je me représentais à mes "agents de voyage" gui m'adressèrent au quartier général où je rencontrai le Général DE GAULLE. Comme il était grand ! Puis, on m'a envoyé à son adresse à CARLTON GARDENS où il m'a demandé d'effectuer une mission dans l'intérieur, près de MONTAUBAN : Je serais parachuté avec quelques autres et je devais rencontrer un membre de la résistance près de CAHORS. Le rendez-vous était prévu pour un soir d'août, après le couvre-feu, à un endroit nommé "'Les Trois Ponts". Si mon interlocuteur n'était pas là, je devais le rencontrer à une cabane au bord du Lot, une rivière. Je devais l'exécuter avec un poignard que m'avait donné De GAULLE et ensuite rejoindre une grande maison pour y rencontrer d'autres membres de la résistance qui organiseraient mon retour en Angleterre.

L'homme ne se trouvait pas aux Trois-Ponts. Par contre, il y avait beaucoup d'allemands, aussi je m'éclipsais vers la cabane ou effectivement je rencontrai mon contact. Il sembla assez surpris lorsque ]e lui remis des documents Il mourut pendant qu'il en prenait connaissance. Je repris les documents et, en Il mourut pendant qu'il en prenait connaissance. Je repris les documents et, en longeant la rivière, je me rendis a la seconde maison distante d'environ 3 kilomètres. J'y fus reçu par une dame d'un certain âge qui parlait parfaitement l'anglais. Elle me posa des questions et me demanda les papiers que j'avais apporté. Elle voulut également voir mon poignard de combat qui avait une croix de Lorraine gravée sur le manche. Sur sa demande, je lui donnais l'assurance que "Guy" était bien mort et elle m'expliqua qu'il était responsable de la mort de beaucoup de patriotes.

Je séjournais environ 40 heures dans cette maison pour être ensuite transporté par une camionnette de boulanger à une dizaine de kilomètres où le fus laissé en la compagnie de deux français. Après une demi-heure, j'entendis des bruits de pas précipités et quelques minutes après, le bruit du moteur d'un avion que je vis atterrir et rouler vers nous. Puis on m'appela. Avec les français, nous courûmes vers l'avion dont l'entrée était ouverte. Un français et moi furent pressés vers les marches et l'avion repartait avant même que l'entrée ne soit refermée. Les lumières vertes au sol s'éteignirent a peine si l'avion avait décollé. Je parlai au Pilote et nous atterrîmes trois heures plus tard. Nous fûmes pris en charge par une conductrice des auxiliaires féminines de l'armée et je fus conduit à CARLTON GARDENS où l'on demanda de rendre compte de ma mission.

Je possède toujours le poignard!

Fin 1943 Opération à ONIVAL

A nouveau, me voici avec les commandos français du groupe n° 10 A une quinzaine, nous fûmes reçus au port de NEWHAVEN dans un baraquement où, après avoir passé la nuit, nous reçûmes des instructions à l'aide de grandes cartes : nous devions être parachutes sur le continent derrière la plage.

La nuit suivante, nous sortîmes avec notre équipement, parachute au dos, et nous fûmes conduits par des camions à un petit aérodrome où étaient alignés trois ou quatre avions. Nous avons été entassés comme des sardines dans le second, et, après environ une demi-heure de vol, les sangles furent fixées. Le sergent de saut' ouvrit la trappe du plancher et nous fit sauter les uns après les autres en nous poussant presque à l'extérieur. J'étais le cinquième à sauter. Nous étions juste au-dessus de la plage et nous nous apercevions les uns et les autres presque au dessus de la mer, pour toucher le sol groupes sur moins de 800 mètres. Notre rassemblement dura environ trois quarts d'heure et nous partîmes par une nuit claire, en compagnie de notre officier. Nous nous dirigions vers les falaises en inspectant les baraquements mais nous ne trouvions pas grand chose. Atteignant le sommet de la falaise, nous avons coupé les barbelés et le capitaine RONEY nous a demandé d'en emporter quelques échantillons dont quelques uns étaient très pointus. Nous avons déroulé nos grappins d'assaut jusqu'en bas de la falaise en les attachant aux poteaux des barbelés et nous avons descendu sur la plage qui ressemblait à celle de BRIGHTON. Nous faisions un tapage qui aurait pu alerter les sentinelles de la côte anglaise mais qui n'a pas attiré les allemands. Il était prévu que nous rejoindrions un autre groupe qui nous attendait, mais il nous a fallu environ une demi-heure pour le retrouver à un kilomètre plus loin, à l'est. Nous marchions sous le couvert de la falaise en nous attendant, à chaque instant, à sauter sur des mines.

Deux canots nous attendaient et il fallut entrer dans l'eau pour y parvenir. Comme notre moteur ne voulait pas partir, il a fallu ramer. L'autre canot s'étant approché de notre bord, nous avons essayé de nous faire remorquer, mais sans succès. Enfin nous avons été récupérés à un demi mile au large, ce qui nous a semblé long, et quand nous sommes arrivés à bord, le patron du bateau était en colère à cause de notre retard. Deux heures et demie plus tard, nous étions à NEWHAVEN, fatigues et frustrés car, à part dix jours de permission, nous n'avions rien obtenu de cette aventure, sauf d'avoir été trempés jusqu'aux os.

Après cette permission, j'ai été renvoyé à WREXHAM pour une brève période, puis j'ai été affecté à l'Amirauté comme garde du corps et estafette du Premier Lord de la Mer. Ensuite, par un coup de chance, j'ai été désigné pour entraîner les auxiliaires féminines de l'armée à conduire les motos. J'étais en permission pour Noël 43, lorsque j'eus la visite de Roman. Ensuite je ne devais plus le revoir avant la fin de la guerre

Vers Mars 1944, le service a l'Amirauté me semblait fastidieux et je me sentais sans enthousiasme. Je demandai mon changement et regagnais WREXHAM .

Mai 1944 Commando en Normandie

Peu de temps après, j'étais envoyé à LITTLEHAMPTON avec le commando 30 A/4. Il y avait une bonne ambiance et l'on sentait que le débarquement était assez proche car si l'entraînement était toujours le même, était plus orienté vers l'invasion.

A la fin de mai, mon officier commandant, le capitaine HARGREAVES--HEAP m'appela pour me dire qu'à son grand regret, j'avais un changement d'affectation J'étais désolé car la camaraderie avait été sensationnelle . Je retournai donc a mes "agents de voyagé" pour observer la même procédure routinière attente de 48 heures et billet de train pour WEYMOUTH mais je devais me présenter à une base navale américaine, ce qui était nouveau. L'endroit paraissait sympathique. Nous étions une quarantaine, français; canadiens et britanniques. Je reconnaissais quelques visages mais nous avions peu de temps pour bavarder. Pendant toute une journée, nous . avons d'abord reçu des instructions par un officier britannique et un français, avec des consultations de cartes, maquettes, photos alors que des noms étaient inscrits à la craie au tableau.

Puis, nous avons été séparés en deux groupes et conduits dans de grands entrepôts où eût lieu une sorte de braderie de fripes. La plupart des vêtements étaient très usagés et les chaussures rapiécées de papier et de carton. Je trouvai une bonne paire de bottes, l'une plus grande que l'autre et des sous vêtements datant d'environ 1900, mais ils étaient propres. Mes vêtements de dessus consistaient en un pantalon trop grand avec des bretelles en ficelle, un pull over plutôt élimé, une veste gris sombre sans col, .une corde autour de :la ceinture et un chapeau beaucoup trop grand. On nous envoya revêtir ces vieux habits et nous avons bien ri de notre accoutrement. La braguette de mon pantalon était trop grande. Cela formait une poche intérieure gauche et plusieurs autres membres du groupe avaient Ia même poche. Les revers tenaient avec un fil métallique.

Toute la journée, on nous posa des questions dont aucune ne semblait avoir de sens à ce moment-là. Le soir, après un bon repas, on nous a distribué des armes portatives. La mienne était un petit pistolet italien de 6 m/m. Ce qui est incroyable, c'est qu'il s'adaptait exactement dans la poche formée par le pantalon. Quelques cartouches se dissimulaient dans la pli du chapeau et d'autres trouvaient une place dans les revers des manches

Nous formions vraiment une bande hétéroclite et nous n'avions pas encore fini d'en rire lorsque le signal du départ fut donné, le soir à 22 h 30. Nous étions le 26 mai, il pleuvait. Nous avons été transportés par des camions bâchés jusqu'à de petits patrouilleurs américains où nous avons pris place, à nouveau séparés en deux groupes et chaque groupe dans un bateau différent.

A bord, nous avons dû nous déshabiller et nous prêter à la fouille de notre équipement. Nous avons quitté le port en chantant pour rejoindre deux bateaux plus gros, des destroyers, qui ont pris le large. A bord de notre bateau, se trouvaient des canots pneumatiques gonflés. Lorsque nous avons stoppé, vers trois heures du matin, nous les avons passés par-dessus bord pour y prendre place. ll faisait encore nuit et il pleuvait. Il y avait quatre canots le long du bord et nous a avons largué les amarres avec un couple de marins en notre compagnie pour pagayer en direction du rivage. Le flot semblait nous aider. On apercevait deux lumières et nous nous dirigions vers celle située le plus à l'ouest. En touchant la plage, nous avons été surpris par une vague qui a fait culbuter deux garçons mais cela n'était pas profond et nous a permis de descendre plus. vite. Nous nous sommes hâtés vers la lumière pour nous 'trouver avec une douzaine de français, hommes et femmes qui nous ont répartis par groupes de 3 ou 4. Chacun des groupes étant accompagné par un de nos hôtes.

Nous étions à RIVA-BELLA et nous suivions notre guide qui nous avait murmuré "Pant" en nous précisant que c'était le mot de passe. Nous avons ensuite longé rapidement la rive Ouest du canal de Caen à la mer après nous être dissimulés un moment dans un fossé pour laisser passer une sentinelle allemande. En une heure, nous avons été interpellés plusieurs fois et donné notre mot de passe. Pour notre première nuit, nous avons pénétré vers l'intérieur d'environ cinq kilomètres La pluie avait cessé. Puis, nous avons à nouveau été interpelles par un homme de haute taille accompagné d'une femme : "Pant" "Pant", venez vite" Nous avons dit au revoir à notre premier guide et nous avons suivi le couple français vers une rangée de quatre villas. Nous étions quatre dans notre groupe et nous sommes entrés dans la première villa où on nous a fait asseoir. Il y avait déjà deux français à la table. On nous a donné du lait chaud et on nous a demandé de nous dévêtir pour fouiller nos vêtements. L'homme de haute taille nous dit qu'il 'appelait Marcel. Il avait environ 35 ans. Le prénom de la femme était Maurie, ou du moins, c'est ainsi qu'on nous a dit e l'appeler. Elle avait environ 25 ans et parlait bien l'anglais.

Vers sept heures du matin, le 27, on nous a apporté du pain, de la viande froide et du fromage. Nous pensions que c'était le petit déjeuner, mais ils en firent des paquets enveloppés de papier qu'ils nous remirent en nous disant que nous en aurions besoin plus tard. On nous fit manger du pain dur, mais vraiment dur, un oeuf dur avec du lait. Ils nous indiquèrent que quelqu'un était en route pour nous rencontrer ,et que nous pouvions nous reposer en l'attendant. Deux d'entre nous disposaient d'un lit à l'étage, alors que les deux autres furent conduits à la dernière villa de la rangée. Nous avons bien dormi et Marcel vint nous chercher l'après midi, vers 17 heures. En descendant l'homme que nous avons rencontré nous dit s'appeler Arne. Nous avions été avec lui pour quelques jours. ll parlait également un très bon anglais et nous indiqua qu'il reviendrait nous prendre le lendemain matin et, qu'en attendant, Marcel et Maurie s'occuperaient de nous . On nous donna un bol de soupe, du pain dur et du fromage, ce qui semblait devenir notre régime habituel. Plus tard, dans la soirée, Arne revint et nous demanda à tous les quatre de sortir dans la cour derrière. Il y avait la un grand récipient plat contenant une boue é paisse de couleur brune. Nous devions retirer nos vestes et nous y tremper les mains et les bras et aussi nous y agenouiller en conservant nos pantalons, si bien que plus tard, même après nous être lavés, notre peau conserverait des traces boueuses. Nous avons recommencé cette opération plusieurs fois les jours suivants.

Arne vint nous chercher à 6 h 30, le jour suivant. Il nous a d'abord remis a tous une carte jaunie, bien usée, qu'il fallait signer du nom qui y était imprimé. Le mien était Léon POT. Nous étions sensés être des journaliers agricoles itinérants travaillant pour Marcel à la fenaison et au bêchage des pommes de terre. Puis, Pirne sortit quelques cartes et croquis et nous indiqua ou nous nous trouvions, Nous le lui avions demandé auparavant mais il s'était contenté de secouer la tête en passant la main devant son visage. Il nous montra la carte. Nous étions à peu près à 800 m de Bénouville. Sur un croquis, il y avait un plan du canal et de la rivière "l'Orne" avec l'indication des ponts. Tout autour, il y avait des chiffres marqués d'un X. Arne nous indiqua que lui ou Marcel devrait nous accompagner pour nous faire repérer chacun des points notés sur le schéma. Il y en avait trente et il fallait les apprendre par coeur en distinguant la nature du site : un blockhaus, Un nid de mitrailleuses, un mirador, une guérite de sentinelle ou une construction.

Notre première sortie de repérage eut lieu le troisième jour au matin. J'étais avec Roddy de KINGS LYM et nous étions escortés par Marcel. Nous sommes partis munis de notre paquet de victuailles. Marcel semblait être bien connu. Les sentinelles lui parlaient. Il appelait les points de repère par leur numéro et nous répondions "oui". Nous traversions les ponts deux fois par jour. Quelquefois, nous allions avec Arne. Il parlait aussi avec les allemands et riait souvent' avec eux. Nous avions l'air de clochards, pas rasés, pas trop lavés et puis cette boue nous avait imprégné d'une odeur repoussante.

On nous avait indiqué que si quelqu'un qui nous était inconnu nous adressait la parole, à Roddy ou à moi, lorsque nous nous trouvions séparés de notre guide, nous devions seulement dire "Pant" et en l'absence de réponse, passer notre main devant notre figure comme Arne nous l'avait fait. Puis, nous avons entrepris des marches plus lointaines, le long de l'Orne, sur la rive en direction de Caen. Un dimanche, nous sommes allés à l'église à Caen où nous avons échangé quelques "Pant " ce qui semblait un peu incongru. On nous a reconduit un bout de chemin dans une voiture tirée par un âne Tout en plaignant ce pauvre âne, nous avons été dirigés vers une grande maison, sorte de château, où nous avons rencontré plusieurs autres personnes. Là, on nous a donné de la nourriture, des cigarettes et une goutte de vin, ma seconde de la journée, car on m'en avait donné à l'église. Arne nous indiqua que nous ne le verrions plus et que nous changions de position. Nous ne retournerions plus à la villa. Il nous présenta a Edouard. Je trouvais qu'il ressemblait à Tarzan avec son habitude de se frapper la poitrine. Il n'était pas aussi aimable que Arne. Il a conduit quatre d'entre nous dans un baraquement du chemin de fer qui serait notre nouvelle maison. Cela ressemblait plus à un abri à vaches avec, sur le sol, du foin recouvert de sacs et de la place pour cinq. Notre nourriture nous était apportée de l'extérieur, elle était meilleure que celle de la villa à Maurie : beaucoup d'oeufs, du porridge avec du lait comme boisson.

Nous étions maintenant à COLOMBELLES.Il n'y avait pas beaucoup de lumière dans la cabane et il fallait sortir pour consulter les croquis d'Edouard consistaient en des tracés ferroviaires. Avec Edouard, nous pratiquions le même repérage qu'avec Arne.

Le 3 Juin, vers huit heures, nous cheminions le long de la route de COLOMBELLES à RANVILLE, et EDOUARD était arrêté pour parler à un autre groupe de trois personnes. Nous étions à 50 mètres devant lui, Roddy et moi, lorsqu'un gendarme à bicyclette vint vers nous, s'arrêta et se mit à nous parler. Roddy fit demi-tour pour retourner vers Edouard. Je dis "Pant" et n'obtenant pas de réponse, je passai la main devant mon visage comme Arne nous l'avait indiqué, et je me retournai pour aller moi aussi vers Edouard qui, à cet instant, se dirigeait dans ma direction. Alors, il y eut un coup sourd et une balle m'atteignit dans le dos à l'épaule droite. Je m'écroulais et roulais sur moi-même. En une seconde, tous étaient arrivés, y compris Edouard qui criait "Non !" aux autres. Il s'expliqua avec :le gendarme rangea son pistolet et vint vers moi en secouant la tête de gauche à droite et marmonnant quelque chose, puis il reprit sa bicyclette et s'en alla. Je ne pouvais plus lever le bras, il était bloqué. Je revins à la cabane avec Edouard et RoddL qui m'aidèrent à retirer ma veste. Puis, Roddy fut chargé par Edouard de. rester avec moi, de ne pas me quitter, de dire "Pant" si quelqu'un survenait et, en cas de non réponse, se retourner pour saisir son pistolet et le garder en respect, l'abattre s'il proteste ou s'il veut discuter. Edouard revint une heure plus tard, me fit boire un peu d'alcool, mit du mercurochrome sur ma blessure et me donna une autre veste en y replaçant mon pistolet et mes munitions. Il me donna les mêmes instructions qu'à Roddy et me dit qu'il reviendrai bientôt. ll commençait à faire nuit et faisait très chaud lorsque i'entendis quelqu'un arriver et dire, avant d'arriver à la porte qui était ouverte . "Léon, Pant, OK". Il entra avec Roddy et me donna un bol de soupe en me disant qu'il fallait aller chez Marcel. Nous n'étions plus que trois. Je ne sais pas ce que sont devenus les autres, je ne les ai jamais revus.

Je ne pouvais toujours pas bouger le bras mais il ne me faisait pas trop mal. Lorsque nous sommes arrivés, Marcel n'était pas là, mais Maurice qui était présente, inspecta ma blessure et la pansa. Edouard et Roddy nous quittèrent pour retourner à la cabane. Marcel arriva avec un autre homme beaucoup plus âgé, qui me fit une piqûre qui eut pour effet de me rendre somnolent. Il essaya de retirer la balle mais n'y parvint pas. Alors, il tamponna la plaie et la pansa. Je montai à l'étage et m'endormis. Lorsque je me réveillai, vers 16 h, Maurie m'apporta encore de la soupe. Mon épaule me faisait encore un peu souffrir mais le pouvais bouger le bras, ce qui me fit plaisir car l'avais craint de rester avec une épaule paralysée.

Dans la soirée, Edouard revint me voir pour me demander si tout allait bien. Sur ma réponse affirmative, il se frappa la poitrine en "disant : "Bien, je reviendai vous chercher demain matin". Il revint vers 6h 30. Te n'avais pas beaucoup dormi. Marcel et Edouard sortirent leurs plans pour me faire réciter à nouveau les emplacements de tous les points repérés. On me demanda si j'étais en état de repartir pour une nouvelle marche. J'acquiesçais et pris la route avec Edouard. Nous avons traversé les ponts pour nous diriger vers RANVILLE et ce fut à nouveau la répétition du repérage.

Nous étions le 5 juin 1944 après 18 heures, nous sommes retournes à la cabane, Edouard et moi. Il y avait du pain, des oeufs et du lait. Comme mon épaule était douloureuse, je me suis allongé sur les sacs. Deux heures plus tard environ, nous avons entendu un bruit de voix. Edouard m'indiqua que c'étaient des amis. Ils apportaient à boire, quelque chose de fort, du "Calvados". Nous étions huit. Il y avait un autre anglais avec nous et également Arne. Les français étaient particulièrement excités et n'arrêtaient pas de répéter "Maintenant, nous comprenons !" Arne nous dit ce que nous avions à faire. C'était la première fois que quelqu'un nous expliquait pourquoi nous étions là. Mais ce ne fut pas une surprise totale car nous avions en partie deviné.

5 / 6 Juin 1944 -" Pégasus Bridge"

On m'indiqua l'endroit où je devais me rendre en me conseillant d'utiliser le mot de passe si je rencontrais des civils. A 23 heures, je partis avec les autres qui se rendaient à d'autres endroits. Quelques uns firent une partie du chemin avec moi pour rejoindre leur position. La mienne était à 300 mètres à l'Est du pont...

Il était environ 1 heure du matin, lorsque j'entendis les premiers avions arriver, à très basse altitude. Avec le ciel comme écran, je les apercevais dans la nuit. Le tir d'une batterie antiaérienne qui se trouvait à moins de 200 mètres de moi éclata soudain. Ensuite, je vis descendre les premiers parachutistes et bientôt il me sembla que le ciel était rempli de parachutes. Puis, je vis les planeurs atterrir, brutalement, le nez s'écrasant sur le sol. Une fusée éclairante illuminait le site pendant que les planeurs continuaient a arriver les uns dans la rivière, d'autres en capotant à l'atterrissage, quelques uns en flammes ou s'enfonçant dans les marécages. Dieu sait comment tous ces hommes en sont sortis !

Un groupe de paras passa près de moi et leur criai le mot de passe en demandant de voir rapidement un officier. Ils appelèrent un capitaine avec lequel j'eus du mal à parler tant le vacarme était assourdissant. Il connaissait le mot de passe mais m'indiqua que maintenant c'était ''Able, Able" Le chaos et la confusion paraissaient à l'ordre du jour et chacun se débrouillait tout seul. Un autre officier se joignit à nous et le premier repéré que je leur indiquai fut celui de la batterie antiaérienne toute proche. Le capitaine donna des ordres, un groupe partit et agit très rapidement. Quinze minutes après la batterie était réduite au silence .

Avec un groupe de vingt soldats, je pris ensuite le départ vers le pont sur l'Orne en indiquant tous les objectifs stratégiques que j'avais été chargé de repérer. Ces garçons étaient de bons soldats. Il s'agissait de troupes aéroportées sur planeurs. Il ne leur a pas fallu longtemps pour capturer le pont. Ce fut fait en moins d'une demi-heure. Par le bas-côté de la route, nous nous sommes ensuite dirigés vers le pont du Canal, bientôt rejoints par d'autres groupes. Des planeurs continuaient à atterrir, semblant également se diriger vers ce pont. D'autres paras touchaient terre également. Ils étaient largués à basse altitude (400 à 500 pieds, soit 120 à 150 mètres du sol) mais le vent était très fort et les gars avaient du mal à se débarrasser de leur harnachement.

A nouveau, ce fut la confusion, vers trois heures, l'attaque du pont commença. Deux ou trois planeurs atterrirent juste contre le pont, en plein sur l'objectif, et leurs troupes étaient déjà au contact avec les allemands lorsque les autres les rejoignirent. On me donna un fusil mitrailleur mais j'ai eu du mal à m'en servir car mon épaule me faisait souffrir. Vers 3 h 30, Ie pont fut franchi, mais ce fut le moment de la fusillade la plus intense. Beaucoup de gars tombaient nous avancions rapidement vers le carrefour de la route de BENOUVILLE où la bataille faisait rage. Sur cette route, j'ai eu à nouveau l'occasion de donner un coup de main. L'ennemi était solidement retranché dans une maison attaquée par des parachutistes dont plusieurs avaient déjà été abattus. Par le bon usage d'un mortier, la maison, ou ce qu'il en restait put changer de main et on y amena les blessés.

Au jour, vers sept ou huit heures les nôtres attaquaient BENOUVILLE, alors que de nombreux tanks et véhicules ennemis se frayaient un chemin vers OUISTREHAM. Vers midi, je revins à la maison que nous utilisions pour les blessés. On m'a donné un peu de ragoût et, ensuite, un médecin militaire a inspecté mon épaule qui était infectée. ll m'a fait une piqûre et je suis sorti pour me reposer. Au milieu de tout ce bruit, je me suis assoupi et ne me réveillais qu'à la nuit. Nous fûmes transférés à BENOUVILLE alors qu'un feu intense reprenait dans la zone du pont. De BENOUVILLE, j'ai voulu essayer d'aller retrouver la villa, mais trébuchant continuellement dans les trous et les arbres abattus, j'ai abandonné pour retourner au premier poste de secours. La, on m'a donné de la nourriture et je me suis allongé avec les autres à l'arrière d'un véhicule, un camion allemand endommagé, dont il ne restait plus qu'une partie. J'y passai la nuit, mais sans les autres au sud. Quelques uns en passant au dessus de nous faisaient entendre une sorte de piaulement, c'était des allemands. Heureusement, la maison où nous étions était située dans un creux. Les paras s'étaient retranchés en direction de CAEN Il y avait un nombre terrible de victimes mélangés avec de nombreux animaux tués, vaches et chevaux. Vers la fin de la seconde matinée, je vis arriver les commandos de Lord LOVAT, insensibles aux tirs qu'ils essuyaient. En voyant ces magnifiques unités, je ressentais une grande fierté d'être un des leurs. J'étais éprouvé, mais j'avais repris le moral.

Le même jour, Un peu plus tard, un moyen de transport nous arriva sous la forme d'un Bedford de 3 tonnes. J'aidai les blessés les plus graves à monter et je fus invité à y prendre place. Le même soir, nous arrivions au bord de mer gâchis on y voyait ! nous avons pu nous restaurer et faire notre toilette' (la première fois depuis longtemps !). On m'a donne un rasoir, mais je ne m'en suis pas servi. Je sentais encore trop mauvais, même après la toilette. Après une piqûre, j'ai dormi sur une civière, dans les ruines d'une grande maison en bord de mer.

Le lendemain, de bonne heure, les médecins sont venus pour faire libérer les civières. Je me suis levé et je les ai suivis sur un grand ponton de radeaux. J'ai été conduit en mer pour être hissé à bord d'un grand navire. Nous sommes partis dans l'après midi pour aborder à SOUTHAMPTON. J'ai été placé deux jours dans un hôpital de la marine puis transféré à NEWTON ABBOT dans le Devon. Lorsque l'infection a cessé un médecin a retire la balle. C'était une 6 m/m, la même que celles que j'avais apportées en Normandie.

Apres quelques jours, j'ai encore été changé d'hôpital, cette fois a SHERBORNE dans le Dorset: C'est là qu'on a rendu la mobilité à mon bras. On avait découvert qu'un éclat d'os s'était logé dans l'articulation.

Je rentrai chez moi pour six semaines de congé de maladie et tout ce que j'ai pu montrer comme souvenir d'un séjour de deux semaines en France, c'était une balle de 6 m/m. 

Pour terminer mon séjour dans le Service Spécial des Commandos, je devais participer à un autre raid à WESTKAPELLECHEREN en Novembre 1944, d'où je ramenai de douloureuses brûlures. Puis , après un traitement à l'hôpital, ce fut la classe ... en décembre 1945 !

SOURCE : Document confidentiel remis par L Wright en 1994, à Saint laurent sur Mer.