RESISTANCE: le témoignage de Simone Lemière

Le 5 mai 1994, Simone Lemière, âgée de 17 ans, trayait le vaches avec sa mère lorsque :

"De ma fenêtre, j'ai vu la traction s'arrêter devant notre ferme. Papa en est descendu, accompagné par les deux types de la " Gestapo ". Il a appelé maman. Ils sont entrés dans la maison. On tremblait de peur. Le poste de TSF était simplement caché dans une armoire, recouvert d'une couverture. Papa était toujours à l'écoute de la BBC. Souvent, il revenait chez nous, aux environs de minuit. Sans cesse, il nous répétait la même excuse: j'ai bu un coup chez un tel. Bien plus tard, nous avons compris que Papa ne voulait pas nous mêler à ses activités, pour nous protéger en cas de coup dur. Papa s'est débarbouillé sous le regard indifférent d'un des types de la " Gestapo ". L'autre surveillait les alentours, debout devant l'entrée. Maman était figée, ne comprenant rien à cette arrestation. Papa était très calme. Il l'a rassurée, lui disant qu'il serait très vite de retour. La gestapo ne lui a pas permis de dire au revoir à ma sœur et mon frère, ils avaient 14 ans et 3 ans, et ils étaient à la fenêtre quand Papa est reparti, ils pleuraient. Puis, ils sont tous remontés dans la traction et sont partis en direction de Caen.
On ne savait rien des activités de notre père. Il s'en allait souvent à vélo, le soir, c'est tout. Dans la journée, il était facteur, en plus de son travail à la ferme, un complément indispensable, on ne pouvait plus mettre les vaches dans les champs à cause des mines.

Les semaines qui suivirent furent affreuses. Aucune visite n'était autorisée, mais, Monsieur Etasse, de Saint-Laurent, chaque semaine, allait en vélo à la prison y déposer du linge propre et maman y glissait des galettes. Je ne sais pas très bien comment, mais maman a reçu des lettres de mon père, griffonnées sur des bouts de papier. Il conseillait à ma mère de les brûler après les avoir lus. Sur l'un d'eux, il expliquait que des plans de champs minés étaient encore dans notre maison (que l'on a jamais retrouvés)

Périodiquement, on le transférait rue des Jacobins. Là, il était torturé. On raconte qu'à chaque sortie de cette odieuse maison, "le sang lui pissait au bout des doigts ! ". Le 7 juin, les américains sont arrivés. Nous attendions toujours le retour de papa, mais n'avions plus aucune nouvelle. Puis Caen fut libéré, mais papa ne revenait toujours pas... On y croyait tous les jours, avec la Libération il pouvait revenir d'un moment à l'autre

Ce n'est qu'au mois de septembre que maman, mon petit frère, ma sœur et moi, avons reçu la visite d"un officiel nous annonçant son exécution, survenue le matin du 6 juin 1944. Il mourut dignement pour la France, ainsi que Georges Thomine, Albert Anne et Robert Boulard. Même après l'annonce officielle de sa disparition, par écrit, nous avons continué à y croire, il pouvait être parti à l'étranger...
Un service religieux a été célébré en la mémoire de papa le 24 septembre 1946 à Louvières, sa commune de naissance. Son nom sera gravé sur le monument aux morts de St-Laurent et de Vierville, une rue de St-Laurent lui sera dédiée. Mais jamais son corps ne sera retrouvé, ni ceux des autres fusillés de la prison, pourtant des prisonniers de Caen ayant témoigné au procès des responsables de la fusillade ont indiqué que la rotation des camions emmenant les corps avait été courte, ils ont peut-être été enterrés pas très loin de la prison…"

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