LOGISTIQUE

Port d' Omaha

LA LOGISTIQUE sur OMAHA et son Port
"De Cherbourg à Caen s'étend le plus vaste entrepôt de ravitaillement de l'histoire" Eisenhower

Les premiers dépôts
Une fois la plage d'Omaha et ses arrières définitivement libérés et sécurisés, environ 4 à 5 jours après le débarquement du 6 juin, il faut assurer le ravitaillement en hommes, matériel et munitions. Les américains ont classé le ravitaillement en :

Classe I = Vivres (nourriture)
Classe II = Équipement personnel
Classe III = Carburant
Classe IV = Matériel (génie, transmission)
Classe V = Munitions

Très vite, dès les premières heures du débarquement, des dépôts de munitions et matériel seront effectués sur la plage grâce à des caboteurs de 200 à 300 tonnes et aux LCT ; d'abord au pied du plateau puis progressivement ils seront acheminés dans les prairies sur les hauteurs derrière les villages de St Laurent et Colleville. En raison du désordre régnant sur la plage, le ravitaillement ne dépassera jamais un maximum de 3000 T par jour d'autant que simultanément se construit le port artificiel.

Le port artificiel :

Plan détaillé Cliquer pour le format Flash (Zoom)

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C'est Mountbatten qui a été chargé de solutionner tous les problèmes d'approvisionnement en hommes, matériel et armes et donc de construire des ports artificiels "Mulberries" (=mûriers)
Début de la construction du port artificiel dés le 7 juin :

>>>Le "Gooseberry 2 " digue de vieux navires coulés et de blockships "Corncobs" pour abriter de petits navires. Il y avait aussi un "Gooseberry 1" à Utah et des "Gooseberry 3, 4 et 5" en secteur britannique. D'où viennent ces navires ? 52 cargos (22 anglais, 16 américains et 14 divers)furent regroupés en Écosse le 30 mai 44 et, accompagnés de remorqueurs, furent conduits à Poole où 3 navires supplémentaires les rejoignirent. Du 7 juin au 12 juin, ces 56 cargos "blockship", chargés de béton, furent coulés afin qu'à marée haute, la coque dépasse d'environ 2 mètres. A Omaha ce sont 14 navires qui furent coulés dont 4 libertyships endommagés:

>>>le "Mulberry A" véritable port artificiel (voir le plan)est constitué d'une rade protégée par: -des caissons "Phœnix", ponton-caisson en béton, coulé, pour protéger le port (maximum de 65 m de L, 18 de l et 20 de H. 6000 T)
- des brise-lames flottants "Bombardons"de 60 m de long et 8 m de haut reliés pour former une longue barrière, sorte de radeau bouée flottante métallique et creux, en forme de croix. Cela protège de la houle et permet le mouillage en eau profonde des gros navires du mulberry.
- Des quais flottants autoélévateurs avec la marée("Lobnitz")
- des passerelles flottantes ("Whale")
- des chaussées "Causeways" permettent le débarquement (assemblage de caissons métalliques cubiques de 2 m qui permettaient un accostage facile des navires permettant des déchargements à sec).

Il y avait aussi un Mulberry B à Arromanches (qui ne fut que partiellement détruit par la tempête)

Le port est construit par la 128ème Task Force de l'US Navy à partir du 7 juin et sera quasi terminé le 16 juin. Le groupement Provisoire des Brigades Spéciales du Génie a préparé le travail (nettoyage de la plage, routes d'accès)puis a procédé au déchargement avec les fameux DUKWs (canards). Dès le 18 juin, Omaha devient le principal port européen avec plus de 8000 T par jour.

Un port détruit... mais toujours N°1 !

Alors que le port d'Omaha est presque terminé et qu'il fonctionne déjà avec plus de 8000 T par jour survient la terrible tempête des 19/22 juin 1944 qui va détruire le port : une centaine de LC sont perdus, presque tous les pontons sont détruits, la plage n'est qu'un amas de 800 embarcations enchevêtrées et mêlées à diverses épaves (jetées, navires...).27 phénix sur 35 sont détruits. Toutefois dès le 23 juin, le débarquement reprend en accès direct de LST sur la plage.
Le génie avec 1500 hommes va procéder pendant une semaine au nettoyage. Des éléments du port (30%) seront récupérés et transportés vers Arromanches pour réparer son port, moins atteint.

Le port sera modifié : la digue est renforcée par 12 blockships supplémentaires (10 américains et 2 anglais seront coulés entre le 7 juillet et le 26 août, soit un total de 26 ) et 26 nouveaux Phoenix destinés à l'origine à la rade Mulberry abandonnée (8 en section A, 5 en section B et 13 en section C) ; pour le reste, ce qui sera récupérable sera transféré à Arromanches.

PLAN DU GOOSEBERRY D'OMAHA au 5 AOUT
en italique les navires ajoutés après la tempête
* sera renfloué
1° section OUEST
HMS Centurion
RU
Courageaous
US
*Baialoide
Panama
JamesIredell
US
Kenttukian
US
Alcoa Leader
US
Kofresi
US
Robin Gray
US

2° section
Galveston
US
Wilscox
US
Potter
Panama
Geo W Childs
US
Artemus ward
US
Lena Likenbach
US
West Nilus
US
Exford
US
Maycrest
RU
Stanwell
RU
Illinoian
US

3° section EST
*Audacious
Panama
*Flight Command
Panama
James WMarshall
US
West Grama
US
Olambala
Panama

Très vite le problème du ravitaillement se pose puisque l'on ne possède que les 2/3 des réserves prévues, mais avec un grave manque de munitions d'artillerie. Contrairement à ce que l'on pense, le port d'Omaha n'est surtout pas abandonné, il reprend du service avec une technique différente mais très efficace: des "causeways" (chaussées flottantes)et un système de "pontons rhinoferry", flottants et se déplaçant, qui permettent le déchargement. Très vite les 7 km de la plage d'Omaha vont devenir le port le plus actif alors que les structures portuaires initiales sont détruites!
Ainsi fin juin :

Fin juin 44
Tonnes par jour
% prévisions
OMAHA (plage)
14.200
120 %
UTAH (plage)
7000
124 %
ARROMANCHES (port)
3600
80 %
GOLD (plage)
4500
 
JUNO (plage)
5200
 

 

 
Tonnage du port d'Omaha
 
f
f
Juin 1944
année 1944

Au total, les deux plages américaines ont réussi à débarquer en juin près de 300.000 T et plus de 450.000 Gi's, ce qui demeure en dessous des prévisions (360.000 T et 580.000 Gi's). Seront donc mis en complément d'activités tous les petits ports traditionnels de la côte : Port en Bessin, Isigny et Grandcamp le 23 juin, Carentan et Barfleur le 25 juillet, St Vaast le 9 juillet qui permettront chacun de dépasser les 1000 T par jour. Cherbourg complètement dévasté sera devenu l'équivalent du port artificiel d'Omaha le 20 Août.

Toute une organisation :
Stockage

Les navires, à l 'abri dans le "gooseberry" et dans l'ex "mulberry", sont déchargés par des dukw amphibies, des rhinoferries, et des LST qui s'échouent sur la plage afin de permettre aux GMC de sortir les marchandises vers les dépôts de base situés dans la "Beach Maintenance Area",entre la plage et la nationale 13,essentiellement sur les communes de Surrain et de Formigny (voire jusqu'à Trévières qui servait de dépôt pour les ports secondaires). Ainsi passait-il à Formigny jusqu'à 1800 véhicules par heure de pointe, il faut donc imaginer une organisation poussée avec l'apparition des premiers ronds points, des ponts Bailey, des sens uniques, des contournements (By pass de Bayeux) avec partout, la Military Police ! Début juillet les dépôts de base couverts occupaient un million de m2 et 3 millions à ciel ouvert.
A Omaha, chaque jour, en juillet et Août, en moyenne, plus de 10.000 T sont transbordées, auxquelles s'ajoutent 10.000 hommes et 2000 véhicules.(A Utah ce sont 5500 T avec 7500 h et 800 véhicules)

Transit

Ensuite, il faut transporter vers le front matériel et marchandises entreposés. Ce transport s'effectue par colonnes de
- camions qui font une moyenne de 32 km/h soit une vitesse sur route de 44 km/h
- véhicules à chenille qui font du 28 km/h avec une moyenne de 10 km/h.
qui doivent respecter les pauses obligatoires de10 mn chaque heure et de 45 mn pour le repas.
Ce sont essentiellement des camions GMC de 2,5 T qui sont utilisés à leur maximum puisqu'on hésite pas à y entreposer au moins 5 Tonnes voire 8 à 10 T ! Ils sont groupés en compagnie de 48 GMC soit 336 T de charge (moyenne de 7 tonnes), il faut plus de 400 hommes pour les décharger si on considère une moyenne de 7 T / homme /jour.
Il faut imaginer un va et vient continu puisque la demande est très importante : une division blindée consomme 700.000 litres d'essence par jour ; en août, les 37 divisions en ligne nécessitent 20.000 tonnes de ravitaillement chaque jour.

Que devient le port d'Omaha ?
Le port va fonctionner durant 6 mois, en demeurant longtemps N°1

Tonnes/jour
Eté 44
Omaha 10.000 T juin à septembre
Utah 5000 T  
Arromanches 6765 T  
Cherbourg 10.000 T
fin Août
20.000 T en Novembre

Ensuite Cherbourg prend le relais, puis Le Havre et Rouen en septembre, et Anvers le 28 novembre ; le port fermera officiellement le 22 novembre 1944(le 30 novembre pour Utah)mais en réalité une activité réduite continuera quelques semaines encore avec des Dukws jusqu'en février 1945, semble-t-il.

La plage et les falaises seront déminées par des équipes composées à 95 % de prisonniers allemands et à 5% de français, les morts seront nombreux car les explosifs variés et bien cachés, que ce soit les mines terrestres, marines et les obus non explosés. La plage demeure très encombrée par les vestiges du port, la ferraille et les épaves. Beaucoup de matériel sera récupéré et... revendu! Quelques années après le débarquement, on vient en famille voir les vestiges, ce qui attire de nouveaux "touristes" et suscite bien des convoitises car il y a beaucoup de choses à récupérer, en particulier les métaux rares (cuivre, bronze, laiton) et des appareillages, en cette période difficile.

Le nettoyage du port et de la plage d'Omaha
Le port d'Omaha n'a pas été nettoyé immédiatement car les priorités sont données aux ports traditionnels qu'il est urgent de remettre en état. Cela va donner du travail : les entreprises de renflouement vont se développer , on en comptera 8 dans le Calvados dans les années 1950 dont une de plus de 10 ouvriers ; on verra aussi se développer les entreprises de récupération de métaux (35 dans le Calvados)
A Saint Laurent, s'installe d'abord la société Serma, et ensuite lui succède l'entreprise Van Loo ("13 canal de l'Ancre à Anvers") qui va rester une dizaine d'années. Le travail restant sera ensuite effectué par l'entreprise De Mota de Courseulles de 1950 à 1970 ; enfin, la concession sera reprise par l'entreprise Lemonchois de Commes (près de Port en Bessin)qui sera chargé de "ferrailler" ( démolir les épaves pour en récupérer la ferraille). Aujourd'hui, c'est toujours cette entreprise qui est chargée de continuer à ferrailler les vestiges que les marées continuent de mettre à l'air !(visiter son musée des Epaves!)
Au total, il semble que 5 navires furent renfloués

Nom
Année renflouage Tonnage pavillon
Audacious
(1913)
1947
6861
Panama
Flight Command
(1911)
1947
4341
Panama
Baialoide
(1914)
1949
6479
Panama
Exford
(1919)
échoué à Vierville
1951
4969
US

 

et que 144.00 tonnes de ferrailles furent extraites des blockships restant, auxquels s'ajoutent tous les autres débris métalliques, épaves, vestiges de ports qui furent extraits.

 

L'entreprise Van Loo, installée au Ruquet, dirigée par Monsieur Maille, occupa jusqu'à 200 ouvriers, dont beaucoup d'habitants locaux (Monsieur Mouillard était chef d'équipe, Monsieur Lemarquand conduisait le dukw, Monsieur E Scelles, A André ont aussi travaillé comme ouvriers. C'étaient souvent des italiens qui étaient plongeurs scaphandres). Ainsi une certaine activité agita Saint Laurent dans les années 50 : Madame Dozman monta, route de la mer, une baraque en bois qui devint un bar restaurant actif qui servait jusqu'à 80 couverts le midi. Les petits bals du samedi soir étaient animés avec de fréquentes bagarres ...L'on venait de loin pour voir toutes ces épaves et l'on hésitait pas à pique niquer puis à se baigner environné par la ferraille (il existe encore de nombreuses photos de famille en témoignant. Voir en complément l'Ouvrage "les sentinelles du silence cité dans la bibliographie). Les locaux n'ont pas hésité à faire de la "récup" sur les navires, tout ce qui pouvait être emporté le fut ! des roues de jeep, du métal , jusqu'aux baignoires. Ces épaves offraient aussi un autre avantage en permettant aux amateurs de pêche en mer de trouver là un endroit très intéressant pour pêcher... voire même pour y passer la nuit !

Ce ferraillage se réalisa de différentes manières:
-au sec : on renfloue l'épave en faisant souder par des scaphandriers des plaques de métal sur les trous puis on pompe l'eau et enfin on transporte par grande marée l'épave sur le sable.
-immergé : si le navire ne peut être déplacé, on coupe en morceaux les structures qui sont soulevées par grues (cas fréquent) et transportées par dukw
- par scaphandrier : qui travaille avec un guide pour découper au chalumeau la ferraille.
Les accidents furent nombreux, on dénombre 4 morts en septembre 1951 et de nombreux blessés.
Cette ferraille (au prix d'environ 900 F la tonne en en 1955)quittait ST Laurent par:
-Mer vers Caen (SMN)
-Camion vers Bayeux puis par train vers Caen (SMN)
-Camion pour les non ferreux, vers Isigny pour être réexpédiée vers la Belgique et la Hollande ex: 600 T partent en 1953, seulement 1760 T en 1957)

Les vestiges des pontons Phoenix en béton et des morceaux plus ou moins importants d'épaves demeurent sous la mer, ils sont à peine visibles de nos jours(par marée basse uniquement ou par plongée).
Aujourd'hui, on peut uniquement voir à Vierville accroché à une jetée, un dock "ponton flottant" qui était accroché aux plates-formes auto élévatrices "Lobnitz".