Témoins Normands

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Lecoq Jules, âgé de 23 ans, célibataire, ouvrier agricole à L'Embranchement (Balleroy)

En 44, Monsieur Lecoq ne vivait plus avec ses parents mais dans une ferme le "Relay de la forêt" où il était ouvrier agricole. Il connaissait déjà sa futur épouse. Il s’est engagé volontairement à l’école militaire de Paris en Septembre 1944 et a été 6 mois prisonnier puis a été libéré en Décembre 1945 .

Mardi 6 Juin 1944 : on a entendu un bruit énorme

Il était environ 6 heures du matin, on a entendu un bruit énorme d’avion autour mais on ne le voyait pas. J'ai pensé qu'un avion anglais venait d'abattre un mirador et un deuxième, au sapin de Balleroy à côté de la gendarmerie. On a attendu toute la journée et toute la nuit avec la famille.

Mercredi 7 Juin 1944 : toutes les maisons étaient détruites

Le lieutenant Mono, brigadier des eaux et forêt qui habitait à l’embranchement avait trouvé un tract ou était écrit «Habitant de cette ville nous allons venir vous bombarder» mais par erreur le tract était destiné à la ville de St–Lô. Alors le lieutenant Mono a demandé de déménager les meubles de sa maison et celle des autres et ... à midi, toutes les maisons de l’embranchement étaient détruites ! Les bombardiers laissaient tomber les bombes à plus de 1000 mètres de haut .
Les soldats américains quand y sont arrivés ont fait un rond point à la place du carrefour qu’ils ont nommé «le cercle victoire» .

Jeudi 8 Juin 1944 : on a récupéré des bijoux

'ai été chercher sous les éclats tout ce qui pouvait être récupéré avec Madame Lebœuf et sa jeune fille. On a récupéré des bijoux d’un coffre fort éventré dans la poussière et les pierres .

Vendredi 9 Juin 1944: au corps à corps et à la baïonnette

Le lieutenant Mono nous dit qu’ils ont débarqué puisque sa montre lui indiquait le départ des obus qui venaient de la mer et qui étaient tombés en forêt. J'étais dans les champs et j'entendais des grondements d’avions quand les américains sont arrivés dans le bourg pour prendre par derrière le château, vu qu'ils n’avaient plus de balle, ils ont pris le château au corps à corps et à la baïonnette.

Samedi 10 Juin 1944 : un paquet de cigarettes de marque Camel

Dans la matinée, deux américains me regardaient et certains avaient du cirage sur le visage ! L’un des deux enleva son casque.Il était jeune, environ la vingtaine, 1m80, assez costaud et peu sûr de lui. Il me demanda si j'étais allemand (sûrement parce que je portais un blouson qui ressemblait à ceux des allemands !. Je lui répondis que non, alors l’américain me demanda si j'en avais vu. L’autre américain sortit un paquet de cigarettes de marque Camel. Alors, j'emmenai les américains dans le bar épicerie que j' avais déménagé le mercredi : je savais qu’il restait du vin et quelques provisions, et tous les habitants du Relay sont descendus avec nous dans le bar-épicerie. Un américain me prit par l’épaule et me descendit par terre quand je montais l’escalier qui allait à l’étage car il y avait des Allemands !. J'allais voir les autres américains qui venaient de Littry. Les américains tiraient sur les allemands dans les fossés au bord de la route de St–Lô et cet endroit s’appelle "la croix rouge de Bérigny".
Au bout de 10-12 jours, les américains ont passé deux grandes citernes de 200 l entre la route de Balleroy et de Montfiquet, elle venait de Port en Bessin en passant par Crouay et par Le Tronquay pour arriver à l’embranchement. Les Américains qui étaient beaucoup de couleur noir, remplissaient les réservoirs avec des jerricans pour prendre la direction de la poche qui était un point de ravitaillement pour les fronts. Le 17 ou le 18 juillet, ils ont pris St-Lô.

DATE DE L’INTERVIEW :16 Décembre 2003
LIEU :Crouay
DUREE : 25 min
RECUEILLI PAR : Anaïs Marie et Vanessa Lelandois