Témoins Normands

  f     fin des témoignages


LEVOIR Jean, âgé de 21 ans, célibataire, ouvrier agricole à Nonant [secteur anglais]

Des anglais... prisonniers des allemands!

J’ai rencontré les premiers soldats libérateurs : des anglais, le soir du 6 juin : ils étaient prisonniers des Allemands à Nonant, c’était à la suite du débarquement.
Je les ai vus qui partaient en colonnes et ils étaient environ vingt-cinq prisonniers. Je les ai vus passer sur la route, encadrés par des sentinelles et puis des véhicules Allemands. Par contre, le lendemain matin, le sept juin vers six heures, on a vu des troupes arriver. Il y en avait tout un convoi de fantassins, de chars et c’est là qu’on a voulu commencer à parler avec ceux qui nous clignaient de l’œil comme ça. Mais, ils ne parlaient pas français.

on a pas eu de contact direct

'étais avec mon père, ma sœur, mon frère et tout … Tout le petit quartier qu’on était, on les a vus passer au carrefour où nous habitions et, on a pas eu de contact direct avec les soldats que de leur serrer la main ou de leurs faire des signes. Personne ne parlait leur langue.C’était surtout l’infanterie, il y avait beaucoup de jeeps, il y avait des gars en vélo. Ils étaient chargés de matériel sur le dos. Et puis des autos-mitrailleuses.

ils ont fait des prisonniers Allemands

Et puis après qu’on les a rencontrés, une centaine de mètres plus loin, ils ont rencontré une résistance Allemande, mais ça n’a pas duré. Les Allemands ont tiré sur la tête du convoi, il n’y a pas eu de blessés, ni de tués et ils ont bifurqué dans la campagne les premiers éléments et puis ils ont fait des prisonniers Allemands et anéanti la résistance. Ca n’a pas duré longtemps !
Ils ne nous ont rien donné dans cette colonne là parce qu’on savait pas trop que le débarquement avait eu lieu, moi j’ai su le premier qu’il y avait quelque chose qui s’était passé parce que j’avais vu les prisonniers la veille et en plus on n’avait pas la radio, encore bien moins la télé donc on vivait dans l’ignorance totale. On savait qu’ils avaient débarqué car il y avait des prisonniers et dans la nuit, on avait entendu des rafales de mitrailleuse, des tirs. Ils n’ont pas été bin loin toutes ces troupes là parce que les Allemands étaient assez proches, le front avait été établi à six kilomètres de la maison à Tilly. On était sur le front puisque les premiers grands combats ont eu lieu à Tilly sur Seulles.

une grande joie,une délivrance

On a ressenti une grande joie, une délivrance et puis il y avait quand même plus de quatre ans d’occupation Allemande, alors ça commençait à faire, en plus on était privé de tout et moi, je travaillais à la TODT, une organisation qui a fabriqué le mur de l’atlantique et qui a planté des asperges et à faire des tranchées anti-char, nous étions embrigadés comme des prisonniers, gardés par des soldats armés. On n’avait pas le choix que de se discipliner à faire ce qu’ils nous disaient de faire, plus ou moins vite puisque nous n’étions pas payés et puis on ne travaillait pas en liberté.

on a échangé le calvados contre des friandises

ça, c'était le le premier contact, bon… mais quelques heures plus tard, on a pu parler avec eux. Et puis les gars se sont dispersés dans la nature et on a retrouvé des soldats anglais un peu partout. De toute façon ça c’est suivi, il y avait tellement de soldats et peu de terrain libéré que tous le monde se bousculait. Des troupes se dirigeaient vers des herbages, ils mettaient leurs écussons… et des troupes arrivaient, des camions, des chars. Avec les Anglais, on a échangé le calvados contre des friandises, comme on était privé de sucre, de confiture, de chocolat. Des échanges se sont faits avec des marchandises comme ça. Et le calva, le lait, le cidre, c’était la monnaie d’échange

Requis

Pendant l’occupation ,on était requis pour garder la ligne Paris – Cherbourg toutes les nuits, on servait d’otage. Cela veut dire que si la résistance avait fait sauter la ligne, on faisait partie des premiers à être fusillés. Et puis comme j'ai dit, j’ai travaillé dans l’organisation TODT comme des prisonniers. On était prisonniers quand même. enfin bon, … voilà

DATE DE L’INTERVIEW : Janvier 2004
LIEU :Trévières
DUREE : 30 min
RECUEILLI PAR Maxime Houssin et Thibaut Blet