Témoins Normands

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LECORNICHON Bernard : en 1944, âgé de 9 ans, écolier résidant à Vierville

" un éclat d'obus de 7 kg ! "

"C'était le lendemain de la communion de Vierville, le lundi 5 , ils avaient déjà bombardé la pointe du Hoc, alors ça y allait par là-bas ! On voyait, on entendait " Boum ! Boum !... "
Le matin du débarquement, le 6 juin, à 4 heures et demie, ma mère devait aller traire au Vaumicel, mais elle avait tous les champs à traverser , aussi avec les bombardements, elle a fait demi tour, elle n' a pas trait... et elle est revenue à la maison et on est allé s'allonger derrière le mur...
Et là où je m'assoyais devant la cheminée d'habitude , un éclat d'obus de 7 kg est tombé en faisant un creux dans le carrelage ! Si j'avais été assis sur ma chaise à ce moment là, j' étais coupé en deux, oui, coupé comme ça... ! ça fait drôle... !

" le révolver dans le dos ..."

J'ai rencontré mes premiers américains le mercredi 7 juin, dans les 9 heures et demie, à côté de Vierville. Avec mes parents et les voisins des alentours, nous étions tous réunis sous un abri fait de bourrées et morceaux d'arbres. Un américain est arrivé , revolver à la main et à dit : " Il n'y a pas de boches , ici ? " et on a été dans la cuisine et il a fait monter mon père dans la chambre de la maison des gens chez qui on était à l'abri. L'américain a fait ouvrir l'armoire à mon père, le révolver dans le dos... parce qu'il avait peur qu'il y ait un allemand dans l'armoire ; mon père, ça lui a fait drôle ! et l'américain est reparti . Bon...bah... , nous on a mangé chez le fermier, Monsieur Lenourichel qui était agriculteur, on a mangé de la galette et de la bouillie, de quoi manger !

"de jeunes américains "

Mais après, le lendemain, on a vu..., moi, j'ai vu...moi je peux dire... Dans le secteur où on était il y avait des maisons d'habitations avec des barrières de chaque côté et... je vois de jeunes américains , mais des jeunes ! ça pouvait avoir dans les 18, 19 ans ! carabine à l'épaule , naturellement et... il y avait 7 allemands qui descendaient de par Louvières et qui remontaient sur Formigny !
Y'a eu un américain de tué et le deuxième, devant la barrière, les a descendus finalement au fur et à mesure qu'ils descendaient !
Ah ! oui! Ah! oui ! je me souviens ! Ca m'a resté gravé ça !

"on a vu tous les morts , je ne veux pas expliquer..."

Ah ! bah ! ça ! on en a vu des soldats ! mais on a jamais revu le premier gars américain. Après, ils nous ont fait descendre à l'école de Vierville ( où qu' est la poste et la mairie ) là, c'était le préau, l'école était sur le bord de la route ; et l'on a fait descendre toute la population sous les préaux. Après, il y a eu des tirs d'artillerie et ça nous est descendu dessus !
Et après les américains nous ont fait descendre par la plage et remonter à Saint Laurent . C'est là, qu' on a vu tous les morts sur les bords de la route.Je ne veux pas expliquer, non, d'avoir vu ces morts, je ne veux pas expliquer !
Puis les américains nous ont engrillagés et dans la soirée ils nous ont lachés et on a couché dans des abris sans confort !

Je me souviens que le clocher de Vierville a été abattu par les américains parce qu'il y avait un allemand qui était dedans et qui tirait ! ça faisait de la fauche des morts et des blessés ! "

Interview du 19/1/94 à Vierville
Recueilli et transcrit par Benjamin Veyrat et Mickael Campo