DEBARQUEMENT 6 JUIN OMAHA

Témoignage de Michel Hardelay

VIERVILLE SOUS L'OCCUPATION ALLEMANDE

7- Le GENIE ALLEMAND remplace la LUFTWAFFE.

Vous nous regretterez
Les aviateurs nous avaient prévenus : vous verrez que le génie ne respecte pas les constructions comme nous et vous nous regretterez.
A part deux toiles de l'école italienne qui avaient pris le chemin de Berlin où un hôtelier du nom de Bajus(?) les avait "recueuillies'' nous avions retrouvé la plupart de nos bibelots plus ou moins intacts. Nous avions remonté tous les meubles rarement entiers car le plus souvent sans tiroirs, ceux-ci servant à faire des caisses desti­nées à des expéditions.

Des armes de chasse
J'avais même réussi à sauver ma collection de timbres cachée sur une poutre du grenier, Mais il y avait dans une autre cache, très difficile d'accès mais que l'on devrait fatalement découvrir en cas de démolition, des armes de chasse : deux fusils de calibre douze, un vieux fusil à broche de calibre seize et une carabine vingt-deux long riffle avec les munitions.
Le génie avait commencé à occuper le terrain au-dessus de notre villa, ce qui devait devenir le point de défense Wn 70, mais il tolérait que nous empruntions le sentier qui conduisait à notre jardin. Il fallait donc passer devant eux à la descente et à la montée. Par contre ils avaient l'habitude de nous voir revenir avec un sac contenant de la nourriture pour nos lapins : herbe, pissenlits et branches de fusain.
Je préparais un trou dans le sol de notre cave - c'était une pièce du rez-de-chaussée non dallée - et nous remontâmes les armes dans le sac d'où dépassaient seulement quelques feuilles; je les enterrais aussitôt arrivés.

Accès complètement interdit début 1944
Mais bientôt ils nous interdirent de descendre à la villa par notre sentier; nous dûmes utiliser celui de la villa "Sainte Anne" et traverser le vaste terrain non construit à l'Ouest de notre propriété. Puis l'accès à notre jardin nous fut complètement interdit au début de l'année 1944 (ou à la fin de 1943) lorsque les Allemands minèrent la zone au dessus des falaises, entourant le village d'un réseau de barbelés, mais ne possédant pas assez de mines pour rendre ce minage complètement effectif; ainsi le terrain miné s'arrê­tait aux sapins du champ situé au-dessus de la villa "La Source" et reprenait à l'Ouest de la rue de la Mer.

Le génie travaillait dur
Et pendant ce temps le génie travaillait dur ; leur objectif : s'enterrer sans laisser de traces visibles. La terre des tranchées était évacuée et jetée dans la falaise, ce qui les obligeait à creuser celles-ci jusqu'à 1,80 mètre et à les recouvrir d'un dôme de grillage et d'herbe.
De plus tous les points d'appui devaient posséder un abri à douze mètres sous terre avec deux sorties distantes d'au moins cinquante mètres. Pour ce travail ils avaient mis au point une technique : ils commençaient par creuser un puits de douze mètres qu'ils surmontaient d'un treuil; à partir du fond ils menaient une galerie et un escalier de remontée avec un palier assez long à mi-montée afin qu'un lance-flammes ne puisse atteindre le fond. Même préoccupation pour la galerie qui devait faire un coude au pied de chaque escalier. La pièce aménagée à mi-parcours de la galerie devait être assez vaste pour que six hommes puissent s'y allonger, six autres s'y tenir assis et que sur une petite table on puisse poser un téléphone et quelques papiers, tous les points d'appui étant reliés par câble enterré à un central enterré, lui aussi, à la kommandatur.
Les galeries étaient étayées avec des cadres jointifs constitués avec des madriers de 22x08 de deux métrés sur un mètre, ce qui laissait un passage de 1,84 sur 0,84 mètre. Ces madriers provenaient évidemment des charpentes de maisons démolies et un menuisier était affecté spécialement à scier les madriers et à y tailler tenons et mortaises.Chaque point d'appui avait son observatoire de tir sous dalle de béton.

Après le débarquement
J'ai eu la possibilité, après le débarquement, de parcourir les galeries des Wn 68 à Saint Laurent, Wn 70 au-dessus de notre villa et Wn 72 (Hôtel du Casino). Le premier et le dernier avaient un accès en pied de falaise et une sortie à mi-falaise, mais comme le Wn 72 avait bénéficié, lors du creusement de sa galerie horizontale d'une voie ferrée rectiligne pour l'évacuation des pierres ce qui la rendait très vulnérable, un autre accès en courbe était en cours de percement le 6juin; les Allemands prévoyaient d'obturer ensuite l'entrée située devant la salle à manger de l'ex-hôtel du Casino, ils n'en eurent pas le temps et durent abandonner leur souterrain le 6 juin.