DEBARQUEMENT 6 JUIN OMAHA

Témoignage de Michel Hardelay

20 - LE BLOCKHAUS de VIERVILLE et son CANON de 88 m/m

Edifier le "MUR DE L'ATLANTIQUE"
L'unité de la Luftwaffe qui occupait le bord de mer depuis 1940 quitta le secteur au printemps 1942 pour se rendre à Granville et dans les îles anglo-normandes.Elle fut remplacée par des éléments d'infanterie, du génie et même de la marine.
La kommandantur fut installée au "Manoir de Thaon", près de l'église du village. La plage fut désormais interdite, mais des autorisations étaient données aux pêcheurs. La nuit ceux-ci, pour relever leurs filets, pouvaient passer, groupés et accompagnés, les chevaux de frise qui barraient la route au droit du bazar de la plage.
Et le fameux "MUR DE L'ATLANTIQUE" commença à s'édifier.L'Etat-Major allemand décida de barrer par de bonnes défenses, tant actives que passives, l'étroite arrivée du vallon donnant accès du village à la mer.

Construction
La construction de plusieurs blockhaus fut décidée, le principal devant occuper l'emplacement du bar-bazar de la plage dont la démolition commença durant l'été, mais en conservant la plus grande partie de la façade côté mer, comme camouflage. Durant cette démolition, et vers le 15 août, un canon fut fourni à l'unité pour le futur blockhaus, en cours de coffrage et de ferraillage.Les Allemands avaient remarqué que la villa "Madeleine" située presque en face du bazar était construite sur une grand dalle de béton armé que l'on peut encore voir à l'angle de la salle de la plage .Ils démolirent la villa ainsi que le chalet mitoyen qui gênait la perspective sur la plage, puis ils installèrent le canon, caché sous une bâche, sur cette dalle et y apportèrent des caisses d'obus.
Comme un beau 88 était peint sur ces caisses on pouvait aisément en déduire le calibre du canon.
Celui-ci réveilla les habitants du village dans la nuit du 12 au 13 septembre en tirant sur un commando allié débarqué sur la plage. Trois de ses membres furent tués; ils reposent depuis cette date dans le cimetière de Saint Laurent-sur-mer.Le blockhaus fut terminé dans le courant de l'hiver 1942-1943 et. le canon y fut introduit.En même temps la route fut barrée par un mur anti-tank avec une chicane laissant un passage de 75 centimètres.

Simuler des ruines
Le haut du blockhaus fut agrémenté de quelques pans de mur pour simuler des ruines une haie de tamaris qui surmontait le talus de la route côté mer fut précieusement conservée car elle masquait, vue de la plage, le mur anti-tank et se confondait avec l'embrasure du blockhaus.

abris souterrains
En même temps le génie commençait les abris souterrains accompagnant obligatoirement toute position défensive allemande.
Une galerie rectiligne et horizontale fut creusée sous la falaise devant la sortie de la terrasse de l'hôtel du Casino; un wagonnet sur voie étroite amenait les déblais le long du mur construit devant l'entrée arrière du blockhaus et le canon de 88 était désormais prisonnier et ne pouvait être sorti que démonté.
Pendant ce temps deux autres blockhaus étaient construits plus l'Ouest par le génie allemand, l'armée semblant se méfier des manœuvres de l'entreprise Todt et désirant garder ces défenses secrètes.

Démolition des villas
La démolition de toutes les villas du vallon et de la plage commença au printemps 1943 sauf une villa "La Rinascente" située en haut de la falaise qui servait à la marine comme relais radio pour les "U-Boots", l'hôtel du Casino qui accueillait par roulement des détachements en permission de détente et servait de relais aux patrouilles, et un immeuble voisin en béton, rebelle aux pioches du génie allemand.

6 juin 1944
Le 6 juin 1944 la partie en maçonnerie de l'hôtel du Casino fut incendiée dans la matinée, mais curieusement la salle de restaurant en bois demeura intacte et servit quelques jours aux services du XIth port.
Le toit et les cloisons furent ensuite démolies mais le plancher subsista et je le vis encombré de tables, bureaux et téléphones quand je descendis vers le 12 juin accompagné du colonel Witcomb qui commandait les services du XI"th Port.
Le canon avait été neutralisé dans la matinée par un Sherman nommé "Barbara" si l'on se réfère à un livre écrit par Wayne Robinson, chef de ce tank, un des deux blindés amphibies opérationnels de la première vague sur cette partie de plage.
La station radio de la marine avait été également détruite dès la première heure, mais l'immeuble en béton dut attendre plusieurs jours sa démolition par le Génie U.S. qui avait un travail plus urgent à accomplir : faire sauter le mur antitank, combler le fossé, déminer la montée du vallon.
C'est pourquoi ce n'est qu'en début de soirée que j'ai aperçu deux tanks amphibie parvenir au village par la "Rue de la mer".

M. HARDELAY 22 juin 1988.

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