DEBARQUEMENT 6 JUIN OMAHA

Témoignage de Michel Hardelay

12 - ET A LA GARE ROUTIERE

Un ménage et quatre enfants
A la gare routière vivaient six personnes : un ménage et quatre de leurs enfants. La fille ainée était mariée à un marin-pêcheur de Grandcamp et le fils aine, requis par le S.T.O. jetait quelque part en Allemagne.
Il restait avec leurs parents deux fils de 18 et 16 ans et deux filles de 12 et 9 ans. Ils se partageaient les quatre pièces du bâtiment qui comportait, comme toutes les gares de l'ancienne ligne du chemin de fer secondaire reliant Le Molay-Littry à Isigny-sur-mer, outre ces quatre pièces, dont une était à usage de bureau d'enregistrement des colis, un auvent pour les voyageurs et une cave sous une partie du bâtiment, alors que les maisons du village ne possédaient pas de caves
Le petit train avait cessé de rouler vers 1931 et les rails avaient été enlevé peu après et le petit train avait été remplacé par un autobus qui partait de Bayeux et qui de quotidien avait dû devenir hebdomadaire du fait des restriction de carburant et de circulation.

Le père
Le père, le père Louis, cumulait toutes les fonctions communales, sauf celle fossoyeur. En effet il était à la fois garde-champêtre, cantonnier et sonneur de cloches, fonction qui, peu de semaines avant,lui avait réservé une mauvaise surprise : la corde de la grosse cloche, usée par le coulisseau de 1'oculus, avait cassé alors qu'il était pendu au-dessus du sol pour arrêter le tintement et il s'était cassé les deux chevilles.

La mère
La mère, la mère Jeanne, s'occupait de l'enregistrement des colis et des rare voyageurs, et dans ses heures libres de petits travaux ; très bonne cuisinière elle était souvent sollicitée pour les repas de noces et de communion.
Précisément elle avait accommodé les restes pour le dernier repas de communion dans une ferme lundi 5 juin au soir et, le temps de faire quelques range­ments, était rentrée se coucher à trois heures du matin : pour elle ça allait être "la nuit la plus courte".

"la nuit la plus courte"
A cinq heures et demie le père Louis se leva pour aller sonner l'Angélus de six heures, comme il le faisait tous les matins entre les deux équinoxes, et entendit presqu'aussitôt de violentes explosions. Il sortit et regardant vers la mer par 1'échancrure du vallon, il vit trois bateaux de guerre, leurs canons pointés vers le village. Il comprit que c'était le débarquement, réveilla femme et enfants et les entraîna vers la cave au moment où la flèche de la chapelle du château s'effondrait, un obus l'ayant touchée au dessus de l'escalier extérieur.
Il ne vit pas l'effondrement de la flèche du clocher de l'église et sut plus tard que sa fonction de sonneur civil ne s'exercerait pas de sitôt.
La famille resta dans la cave jusqu'au lendemain et vit quelques soldats passer et les ouvriers de l'entreprise Todt évacuer le château qui leur servait de casernement, du moins certains, je suppose, les cadres allemands allant dans la direction opposée à celle de ceux qui désiraient rejoindre les Alliés.